L'HISTOIRE DES PATES

Publié le par lio

Les pâtes… toute une histoire !


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   Platine reçoit sa nomination de Préfet de la Bibliothèque Vaticane

 

Quand et par qui les pâtes ont-elles été inventées ? La question est vaine. Les pâtes existent partout où l’on mange du blé. Elles représentent la façon la plus simple de le préparer, requérant des gestes bien moins techniques que la fabrication du pain. Les historiens en ont trouvé des recettes dans les signes cunéiformes des tablettes babyloniennes. La légende de Marco Polo ramenant les pâtes de Chine n’a aucune base dans le réel. L’excellent site Histoire de pâtes, auquel nous nous référerons tout au long de cet article, nous donne des recettes (interprétées par les auteurs quand les données étaient incomplètes) remontant à l’antiquité ; il suit l’histoire des pâtes à travers le Moyen-Age et jusqu’à nos jours. Voici quelques recettes d’autrefois qui vous surprendront, et, peut-être, vous régaleront :

 

ANTIQUITE ET HAUT MOYEN -AGE

L’antiquité connaît deux modes de fabrication des pâtes : les tractae sont obtenues en râpant le pâton. Les lagana (on reconnaît l’origine du mot lasagnes) sont obtenues par laminage.

On en trouve des recettes dans l’ouvrage De re coquinaria ( IVe – Ve siècle de notre ère),  attribué de façon erronnée au gastronome romain du 1er siècle Apicius. Ce recueil sera utilisé durant tout le haut Moyen-Age.

Voici trois recettes du pseudo-Apicius (interprétées par la webmestre du site Histoire de Pâtes)

Minutal Matianum (ragoût de cochonnailles à la façon de Matius) : il s’agit d’une palette de porc cuite dans une sauce épicée (poivre, cumin, coriandre, menthe), et aigre-douce (vinaigre, defrutum, miel, pommes) et accompagnée de tractae. Ce type de pâtes émiettées continue d’exister à petite échelle dans le monde moderne. On peut se lancer dans leur fabrication en se référant à la recette des trahanas grecques.

Pullus tractogalatus (poulet aux tractae et au lait) : avec coriandre, oignon, céleri, defrutum.

Patina Apiciana : ce sont des lasagnes disposées dans une pâte à tarte et entre lesquelles s’intercalent des couches de farce comprenant à la fois de la viande et du poisson.

MOYEN-AGE ET RENAISSANCE

Les pâtes sont présentes durant tout le Moyen-Age, en Italie bien sur, mais aussi ailleurs en Europe. Si certaines recettes nous surprendront, d’autres sont étonnamment semblables à des recettes modernes. En particulier, l’accompagnement de beurre et de fromage est connu très tôt (cependant, les temps de cuissons sont nettement plus longs qu’aujourd’hui).

L’Italie est en pointe : dès le Moyen-Age, il y a des sortes de manufactures de pâtes en Sicile. Gênes est également une ville importante, mais plutôt pour la commercialisation des pâtes que pour leur fabrication.

Le grand cuisinier Maestro Martino pose les premières bases de la cuisine de la Renaissance (celle-ci ayant commencé plus tôt en Italie) ;  l’humaniste Platine fait grand cas de cette cuisine en général et des pâtes en particulier, et en assure la renommée. Maestro Martino cuisine la pasta asciutta, c’est à dire les pâtes égouttées (par opposition à la pasta in brodo servie dans le bouillon), permettant ainsi de confectionner de grands plats nourrissants ; il s’agit là d’un grand progrès dans la nutrition populaire. La promotion qu’en fait Platine assure le succès de la cuisine de Maestro Martino en général, et des pâtes en particulier. Leur cuisine s’impose durablement comme celle de l’aristocratie italienne, et même au delà en Europe. Catherine de Médicis l’implantera en France quelques décennies plus tard.

L’invention de la presse à filière permet une certaine industrialisation.

Au XVI ème siècle, deux grands cuisiniers, Scappi et Messiburgho apportent une modernisation des pâtes ; ils raccourcissent le temps de cuisson (sans toutefois arriver à la cuisson al dente), limitent l’usage des épices au profit du beurre, du fromage et le l’huile ; les raviolis et leurs variantes de toutes formes font une percée spectaculaire.

Quelques exemples nous montreront comment on accommodait alors les pâtes :

Cressée : il s’agit d’une une bizarre façon de “tisser” des lanières de pâtes qui avait probablement un objectif surtout décoratif.

Kuskenoles : des raviolis farcis aux fruits frais (pomme, poire) et secs.

Macrows (déformation anglaise de “macaroni”) : de larges lanières de pâtes fraiches au beurre et au fromage.

Agnoilen : des raviolis farcis à la viande, aux épices et aux raisins secs, accompagnant un chapon et cuisant dans son bouillon ; observer aussi comment “agnolotti” est déformé par des palais flamands en “agnoilen”, témoignant de la circulation des recettes et de leur nom

Fidiaux : des gros macaronis cuits au bouillon de poule, saupoudrés de fromage et d’épices “douces” (sucre, cannelle …)

Menudets : toutes petites pâtes dont la pâte contient de l’eau de rose ; accompagnent un chapon ; relevées de fromage rapé, beurre, muscade, cannelle

Crozets : pâte de la forme des orecchiette actuelles, saupoudrées de fromage rapé

Vermisseaus de Cecile (vermicelles de Sicile) : cuits au bouillon de poule safrané et servis avec fromage râpé.

Roffioelen : larges rubans d’une pâte elle-même verdie par l’incorporation d’épinards, bettes ou persil ; servis avec fromage et “poudre lombarde” (mélange d’épices)

Raphioules : raviolis farcis à la viande ; cuits dans du bouillon gras ; saupoudrés de parmesan et de cannelle (le mot raphioules vient de raviolis, de même que plus haut roffioelen)

Torta de lasani : lasagnes bizarrement enveloppées d’un longue saucisse qui s’enroule autour d’elles et forme comme un mur

Ravioli in tempo di carne : très riche farce à la viande, au fromage, aux herbes (persil, menthe), aux épices (poivre, girofle, gingembre) ; ces raviolis cuisent dans le bouillon safrané d’un chapon dont ils seront l’accompagnement, et dont une partie est déjà incorporée à la farce

Macharoni romaneschi : cuits au bouillon gras ; servis avec fromage, beurre et épices douces

Macharoni siciliani : servis avec bouillon, eau de rose, beurre, fromage, épices douces

Tortelleti d’herba alla lombarda : farcis d’herbes (bettes, épinards) de fromage, d’épices (poivre, cannelle, girofle, safran), de raisins secs et d’oeufs crus ; cuits au bouillon de viande ; saupoudrés de fromage, sucre et cannelle.

LES PATES ET LA FRANCE : UNE IMPLANTATION LABORIEUSE

En lisant les noms des recettes qui précèdent, le lecteur aura remarqué la présence discrète de quelques termes  français (fidiaux, menudets, crozets). On peut citer aussi quelques cuisiniers, comme Lancelot de Casteau, qui a lu les auteurs italiens et qui aime à faire des pâtes. Cependant, les pâtes ne s’implantent guère en France, sauf dans le midi et, à partir du XVII ème siècle, en Alsace.

Le désintérêt des cuisiniers de l’époque classique est évident. Pourtant, les recettes leur sont en principe parvenues. Les grands cuisiniers italiens que nous avons cités, ainsi que Platine qui les a fait connaître, appartiennent à l’entourage des Papes, entourage qui était également celui de Catherine de Médicis dans son enfance.  Celle-ci a importé avec succès de nombreuses recettes et produits italiens, mais, si elle a apporté des recettes de pâtes, ce que nous ignorons, celles-ci ne sont pas restées. Nous n’avons pas trouvé de recettes de pâtes dans Le cuisinier françois,  l’ouvrage du grand cuisinier français du siècle de Louis XIV La Varenne, qui pourtant a largement conservé d’autres innovations italiennes. Il  faudra attendre le XIX ème siècle pour que Carême, puis Escoffier, s’y intéressent, mais leurs recettes, qui utilisent à profusion truffes, foie gras et autres éléments coûteux, restent des curiosités pour privilégiés.

Les pâtes ne deviennent un plat populaire qu’en s’industrialisant, ce qui commence en 1860  avec les cousins Rivoire et Carret. A partir de là, c’est parti …

Les pâtes sont maintenant parfaitement intégrées à notre cuisine, bien que l’influence italienne y demeure prépondérante.

EPOQUE MODERNE

La révolution culinaire française des XVII ème et XVIII ème siècles a des répercussions partout en Europe ; elle fait presque disparaître l’aigre-doux et le sucré-salé. Les recettes de pâtes en subissent le contre-coup.  Tomates et pesto vont se tailler la part du lion dans les modes d’accommodement. En même temps, leur temps de cuisson se raccourcit considérablement. On ne veut plus de pâtes molles.

Considérée comme un légume exotique espagnol, la tomate ne s’est implantée que difficilement en Italie (rappelons que ce pays ne participe pas à l’aventure coloniale dans les eaux américaines, berceau de la tomate) ; Vincenzo Corrado (Il cuoco galante, Naples, 1773) l’adopte cependant et l’introduit dans plusieurs préparations, mais aucune d’entre elles n’est à base de pates. Il faut encore attendre plus de soixante ans pour que, dans sa Cucina teorico-pratica ( 1839) , Ippolito Cavalcanti mentionne, pour la première fois, les pâtes à la sauce tomate. C’est également Cavalcanti qui a enseigné pour la première fois l’art de cuire les pâtes al dente.

La première recette imprimée de pesto figure dans la Vera cuciniera genovese éditée en 1863 par G.B. et G. Batta. Il est à base d’ail, de basilic, de fromage et d’huile mais ne comprend pas encore de pignons de pin. Nous demeurons cependant persuadée que la recette est plus ancienne de plusieurs siècles, ne serait-ce que parce que le pesto/pistou se retrouve à Nice, qui n’a été génoise qu’au Moyen-Age. Nous avons consacré un article au pesto/pistou.

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